Origine et historique de conservation
Ce Codex, aujourd'hui conservé à la bibliothèque de Leiden aux Pays-Bas est daté de la première moitié du Xe siècle. Il se situe donc à cheval entre l'extrême fin de l'ère carolingienne, et le début de l'époque Ottonienne. La réalisation de cet ouvrage a probablement débutée à l'abbaye de Saint-Gall, mais semble avoir été finalisée à l'abbaye de Reichenau en Allemagne. Le manuscrit contient le premier livre des « Maccabées » et la copie du quatrième livre de « l'Epitoma Rei Militaris » de Végèce. Ils ont tous deux été assemblés à la toute fin du XIIe siècle. Malheureusement, il n'existe aucune numérisation du document dans sa totalité, et nous ne pourrons en étudier que des folios épars, disponibles sur Internet.
Description du contenu
Ce Codex est réputé pour ses formidables représentations de scènes belliqueuses. Les événements figurés sont bibliques, mais il semble que le, ou les dessinateurs, se soient inspirés des incursions Magyares qui ont ravagés le sud de l'Allemagne au Xe siècle. Encore une fois, et comme il est de coutume dans la littérature religieuse carolingienne, des éléments matériels contemporains de la rédaction du document sont fixés sur une trame narrative relatant des événements plus anciens. La stylistique du dessin est particulière, puisqu'elle joue sur des effets d’amoncellements compacts de personnages, empêchant de fait toute analyse quantitative où l'unité de base est l'individu. Il est toutefois possible identifier avec une relative facilité le militaria représenté et opérer des recoupements avec les données textuelles et archéologiques à disposition. Le dessin d'une rare finesse offre de précieuses informations sur le matériel militaire carolingien tardif, et sur celui des Magyars, tous deux mélangés au sein de scènes où les soldats sont régulièrement disposés en formation de combat.
Analyse du matériel militaire
La plupart des guerriers portent de lourdes cottes de maille, ce qui n'est pas habituel dans l'iconographie carolingienne où prédomine plutôt l'armure à écailles. Peut-être est-ce dû au caractère tardif de ce document. Notons cependant que certains personnages sont protégés d'armures scalaires déjà fréquemment rencontrées dans le Psautier de Stuttgart, rédigé cent ans plus tôt.
La question des casques, est assez épineuse: Environ la moitié des casques représentés est semblable en tous points aux casques habituellement représentés dans les enluminures carolingienne. lls sont renforcés de deux traverses sur la partie sommitale, ainsi que d'une autre sur tout le pourtour: il s'agit donc de « spangenhelms » tout ce qu'il y a de plus classique. Mais l'autre moitié des casques présente une forme effilée sur le sommet et ressemblent en tous points au casque de Pècs (Peuple magyar, Hongrie actuelle, Xe siècle). Il est possible d'observer sur la nuque des soldats ce qui pourrait être une couverture de maille ou de tissu épais, que les carolingiens nommaient « hasberga ». Notons qu'il est plus prudent d'abandonner tout espoir de déceler dans l'iconographie
carolingienne un
quelconque exemplaire de casque à nasal: Certains reconstituteurs s'appuient sur un ou deux casques tombés au sol, et croient y voir un nasal qui n'est probablement qu'une représentation schématisée de la jugulaire, ou de la couverture dépassant sur l'arrière du casque tombé au sol.
La forme des boucliers et des umbos est tout à fait classique. Notons toutefois la présence régulière de boucliers de forme ovale et sans umbos, possiblement d'origine exogène? Pour le reste, lances, javelines et épées sont clairement visibles, mais le dessin ne permet pas d'en identifier la typologie avec précision. Nous pouvons également distinguer un autre élément de militaria plus spécifique, régulièrement représenté dans l'iconographie carolingienne: l'arc (composite, et d'origine exogène) à double courbure.
Tactiques de combat
De précieuses représentations de phalangistes en formation compacte sont visibles au sein du Livre des Maccabées. Ces hommes d'humble condition ne sont que rarement représentés en détail et méritent pourtant toute notre attention puisqu'ils représentaient l'épine dorsale de l'armée carolingienne, et ottonienne. Ces phalanges sont constituées de soldats groupés en formation serrée, armés d'une lance de longueur moyenne et protégés d'un bouclier. Nous consacrerons ultérieurement un article entier au fonctionnement de ces phalanges, tant il est complexe.
Au gré des folios, des cavaliers chevauchent en formation vers l'adversaire, prêts à infliger de violents coups à l'aide de l'umbo central ou de la tranche du bouclier. Les fuyards, à cheval eux aussi, portent leurs boucliers dans le dos à l'aide d'une sangle pour mieux se protéger des projectiles. Ces scènes, d'une grande richesse sont les témoins d'une tactique particulièrement appréciée de la cavalerie carolingienne: la retraite feintée. Nithard, petit-fils de Charlemagne, comte de Ponthieu et souvent aux prises avec les scandinaves, est allé jusqu'à décrire avec précision ce stratagème dans ses chroniques "Historia".
Cette tactique consiste à charger l'adversaire, puis, quelques secondes avant le choc, de simuler une retraite. L’ennemi, sûr de sa victoire, risque alors d'entamer une poursuite désorganisée. Les assaillants, en fuite certes, mais toujours en formation, font alors volte-face et peuvent surprendre leurs poursuivants dont les rangs ont étés rompus.
Dans cette tactique, la cohésion de la formation importe plus que la vitesse de charge en elle même. Le désastre de la bataille du mont Süntal en est l'illustration parfaite: les cavaliers lourds francs y ont chargé les forces saxonnes à pleine vitesse sans rester en rangs compacts et ont essuyé un terrible échec militaire, oublié (volontairement ?) de la littérature carolingienne, à l'exception des Annales regni Francorum de l'an 782.
Conclusion
Le Livre des « Maccabées » est une source d'une grande importance. En effet, ce Codex présente un matériel militaire, porté en conditions réelles (c'est à dire sur un champ de bataille) comme cela est rarement le cas dans l'iconographie carolingienne. Dès lors, il est possible d'imaginer plus facilement l'emploi des armes et armures représentées et les tactiques employées à pied comme à cheval. Enfin, le dessin semble exempt d'influences antiques, ce qui nous affranchit des traditionnelles questions relatives à l'origine du militaria représenté.
Bibliographie:
Bachrach B. (2001) « Early Carolingian Warfare »
Coupland S. (1990) « Carolingian Arms and Armor in the Ninth Century »
Halphen L. « Eghinhard, vie de Charlemagne »
Voir aussi: la Geste de Walther.
Author: Damien Schirrer.